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L’autorisation est un poison mortel.

28 juillet 2013

L’autorisation, c’est celle que le général Sissi a demandé au peuple égyptien en ce vendredi 27 juillet. En l’invitant à descendre dans la rue,  pour le soutenir dans sa lutte « anti-terroriste », Sissi n’a-t-il pas demandé le permis de tuer ? La question se pose avec force au lendemain du massacre d’Alexandrie et de ceux qui ont eu lieu au Caire, contre les partisans du président déchu, Mohamed Morsy. Les organisations qui ont anticipé l’évolution des événements sont rares. Et pourtant, des voix s’élèvent au milieu de cette bipolarisation armée/Frères. On peut lire cet interview d’Ahmed Maher (en français) sur le site de France 2, où il explique pourquoi il ne se joindra pas aux cortèges. On peut lire aussi sur « forum socialiste » (al-Manshour.org, publication électronique marxiste révolutionnaire, en arabe), un article publié le 26 juillet, par Fatma Ramadan. Cette syndicaliste est membre du Comité exécutif de l’EFITU, la fédération des syndicats indépendants d’Égypte (on trouvera des articles ici, ici et sur ce blog concernant la liberté syndicale). Voici la traduction de cet article :

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Fatma Ramadan (source : http://menasolidaritynetwork.com)

Camarades, travailleurs et travailleuses d’Égypte, qui luttez pour vos droits et pour une Égypte meilleure. Travailleurs qui rêvez de « pain, liberté, et justice sociale », vous qui rêvez d’un travail au moment où des voleurs nommés hommes d’affaires ferment les usines après avoir empoché des milliards. Travailleurs d’Égypte qui rêvez d’un juste salaire pendant que les gouvernements ne s’intéressent qu’au rendement des investissements, au détriment des travailleurs, de leurs droits, et même de leur vie. Travailleurs d’Égypte qui rêvez d’une vie meilleure pour vos enfants, de médicaments quand ils sont malades, et de quatre murs pour les mettre à l’abri.

Depuis bien avant le 25 janvier, vous réclamez vos droits. Vos rassemblements et vos grèves ont continué après la chute de Moubarak pour les mêmes revendications sans réponse. L’armée a négocié, puis les Frères, sans que jamais ces négociations ne portent sur votre droit. Au contraire, ils ont oeuvré tous ensembles pour éteindre les étincelles que vous aviez allumées dans les jours sombres des ténèbres, les étincelles de lutte, mêmes si ces luttes étaient en ordre dispersé.

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Nous ne permettrons pas (source : site des révolutionnaires socialistes)

L’armée n’a-t-elle pas cherché à briser vos grèves et vos rassemblements pas la force à Suez, au Caire, au Fayoum, et dans toutes les régions d’Égypte ? N’a-t-elle pas tué un grand nombre parmi vous, ou traduit devant des tribunaux militaires sans autre motif que celui d’exercer vos droits en faisant la grève et des rassemblements pacifistes ? N’ont-ils pas tout fait pour criminaliser cet (exercice) de vos droits, en promulguant une législation ad hoc interdisant au peuple égyptien tout entier de manifester pacifiquement, de faire grève ou de se rassembler ?

Puis Morsy est arrivé avec les Frères et ils ont emboîté le pas de Moubarak dans la division et la poursuite de la répression des grèves par la force jusqu’à l’ordre d’utiliser les chiens policiers contre les travailleurs de Titan Cement à Alexandrie. C’est bien Morsy qui a fait cela, par l’intermédiaire de son ministre de l’intérieur et ses hommes. Les officiers de police et l’armée qui chargent aujourd’hui sont bien des tueurs, ceux qui tuent les honnêtes jeunes d’Égypte. Ils sont une arme de puissance contre nous tous, en tout lieu et tout temps, et ils le resteront tant que nous n’aurons pas nettoyé les institutions.

Aujourd’hui, en raison des crimes quotidiens contre le peuple égyptien que planifient les dirigeants des Frères musulmans,  provoquant le meurtre d’innocents, et auxquels font face l’armée et la police par la violence et en tuant, vous devez tous vous souvenir à quel moment l’armée et la police interviennent. Ils interviennent après que les affrontements ont commencé et même quant ils sont près de finir, bien après que le sang a commencé à couler. Ne vous demandez-vous pas pourquoi ils n’ont pas empêché ces crimes commis par les Frères contre des innocents du peuple égyptien avant que cela ne commence ? Ne vous demandez-vous pas à qui profite la poursuite des combats ? C’est dans l’intérêt des dirigeants des Frères  et de ceux de l’armée ensembles. De la même façon que les guerres entre les États sont alimentées principalement par les pauvres, la guerre et les luttes intestines ont pour chair à canon les pauvres d’Égypte, ses ouvriers et ses paysans…

Aujourd’hui, on nous demande de sortir pour autoriser Sissi à de plus en plus de morts. Et nous nous trouvons devant l’association de trois organisations : la Fédération gouvernementale égyptienne des syndicats (ETUF), la Fédération démocratique des travailleurs d’Égypte (EDLC), et la Fédération égyptienne des syndicats indépendants (EFITU) (celle dont je suis membre du comité exécutif). J’ai débattu avec des membres de ce comité exécutif pour qu’ils ne soutiennent pas un appel à nos membres (et au peuple égyptien) à descendre dans la rue ce vendredi pour alimenter l’idée que le peuple, l’armée et la police sont unis, comme il est dit dans l’appel. Je me suis trouvée en minorité, avec quatre membres, contre neuf voix pour la parution de cet appel. Ainsi, ces trois fédérations ont appelé les travailleurs à manifester, sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Nous avons donc maintenant le choix entre sauter dans la poêle ou le feu. Les Frères ont commis des crimes sans aucun doute, dont ils doivent être tenus pour responsables devant la justice. Mais de la même façon les officiers de police, l’armée, et les hommes de main du régime de Moubarak  doivent rendre compte de leurs crimes devant la justice. Ne vous laissez pas berner en remplaçant une dictature religieuse par une dictature militaire.

Ouvriers d’Égypte, soyez conscients que vos revendications sont claires et limpides. Vous voulez du travail pour vous et vos enfants et vous voulez une juste rémunération. Vous voulez des lois qui protègent vos droits. Pas les lois prévues par les hommes d’affaire de Moubarak pour protéger leurs propres intérêts contre les vôtres. Vous voulez un État qui planifie le développement, crée de nouvelles entreprises afin d’absorber la nouvelle main d’oeuvre. Vous voulez des libertés de toutes sortes : celle d’organisation, celle de faire grève, et d’autres encore. Vous voulez vivre dans cet État comme des citoyens, sans torture et sans meurtre. Vous devez comprendre qui se dresse entre vous et ces exigences. Ne soyez pas dupes ! N’écoutez pas ceux qui vous demandent de cesser votre pression, aujourd’hui comme demain, pour la satisfaction de vos revendications et la réalisation de vos droits, sous prétexte de lutte contre le terrorisme.

 

5 commentaires leave one →
  1. François permalink
    29 juillet 2013 9:40

    On ne peut pas être certain de la bonne foi de Sissi ni du contraire.Mais,ce qui est sûr,c’est la division du peuple organisée.Elle est terriblement dangereuse car elle empêche toute action constructive.Ce qu’il faudrait serait que les trois groupes qui existent en ce moment se rallient par la BASE et renversent les institutions.Mais cela n’est pas gagné.

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  2. Claire permalink
    28 juillet 2013 14:28

    Je me suis longuement interrogée sur le bien fondé de l’appel du général Sissi. J’ai hésité entre le justifier, l’inquiétude…j’ai décidé de me ranger du côté des Droits de l’Homme ( pour résumer), je ne ferais pas le choix entre un massacre et un autre.

    Claire

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  3. 28 juillet 2013 9:36

    Voila qui aide à y voir plus clair tant la confusion ici règne en maître.

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  4. ygq permalink
    28 juillet 2013 9:06

    Il y a un souci avec ce mot de tafwîdh تفويض rendu en français (et en angalis) par autorisation. Perso, le communiqué du 6 avril (je pense que c’est celui-là) m’a laissé sur ma faim.

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  5. 28 juillet 2013 7:41

    Un ami me signale la déclaration des Socialistes révolutionnaires parue
    ce jour http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-pas-en-notre-nom.html

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