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R comme rentrée, comme Ramadan et comme rigoler (faut pas oublier de)

6 septembre 2009

Rentrer au Caire en plein Ramadan est toujours une aventure risquée.

La vie ne reprend vraiment son cours qu’après 9h du soir, c’est à dire après l’Iftar(1), et après la musalsalat(2) du soir. Les rues se remplissent et ne se vident que vers 3h ou 4h du matin. Les matins sont beaucoup plus calmes et pour cette rentrée sur fond de grippe A, où toutes les écoles égyptiennes sont fermées jusqu’à l’aïd el-fitr, le métro est plein de places assises. Mais même quand je reviens l’après midi, à un moment où il est nettement plus bondé, je mesure l’efficacité du message gouvernemental sur la supposée « pandémie ». Pas sûr que tout le monde se soit lavé les mains, mais on a bien enregistré que le virus vient de l’étranger et je me retrouve avec un vide sanitaire de 1m50 autour de moi, de chaque côté. Royal, personne ne me colle et je n’ai même plus à pister les éventuelles mains au panier. Si je veux une place assise, je n’ai qu’à m’approcher d’une banquette en toussant, j’en aurai quatre d’un coup !

A Iftar moins le quart, il n’y a plus personne dans les rues ou presque,  mais les retardataires sont plus fous que jamais : un microbus qui en temps normal roule à 80km/h dans les rues du centre ville, en klaxonnant toutes les trois secondes, passe maintenant à 120km/h et appuie trois fois par seconde sur sa corne. Les hommes dans la rue ont les yeux agrandis par la faim et la soif. J’ai beau avoir enfilé un jean sous ma robe, je me sens terriblement dénudée… A la sortie du métro la mendiante de mon quartier me souhaite « wellcome », les yeux doux et rieurs. Je me demande tout à coup si le mendiant de la porte des Lilas souhaite « Ahlan wa sahlan » aux égyptien(ne)s qui débarquent. Dix fois sur un trajet de 500m on m’offre de partager les dattes ou le verre de lait de la rupture du jeûne :  je suis encore chochotte et je n’arrive pas à dépasser une certaine réticence hygiéniste devant les étals où les poches plastiques remplies de lait chambrent au soleil depuis la mi-journée. Les « tables du miséricordieux » se remplissent très tôt : des gens sont attablés depuis le milieu de l’après midi en somnolant la tête dans les bras pour tromper leur faim. Je ne sais pas si c’est le nombre de pauvres qui augmente ou bien le nombre de riches décidés à s’acheter leur place au paradis, mais ces tables de la charité sont de plus en plus nombreuses : rien que dans ma rue, il y en a trois, pleines à craquer au coucher du soleil, essentiellement remplies d’homme (les femmes doivent avoir moins faim sans doute).

Bref, tout ça fait un timing de la journée très serré et les employés du service gouvernemental de maintenance des lignes adsl, qui ne travaillent que de 9h à 13h en cette période, ne peuvent pas, en plus, réparer les lignes qui sont en panne. Dont la mienne (et celle de 25 autres foyers dans le quartier). Il faut patienter, bricoler, se débrouiller et admettre tranquillement que rien n’aura de solution avant le 25 septembre, inch allah ! Ici, on apprend à ne pas faire des bouffées d’adrénaline de façon inconsidérée. Après tout ce ne sont pas mes lecteurs qui attendent depuis deux mois que j’écrive quelque chose qui vont me reprocher trois ou huit jours de retard supplémentaires.

1001nuitsaucaire_cN’ayant qu’un bref temps de connexion à disposition, je vais dire deux mots (et une seule image) de la dernière BD de Golo dont j’ai fait l’acquisition cet été en France : « Mes mille et une nuits du Caire » dont les dessins regorgent de détails truculents sur cette ville. Golo y raconte « son Caire » et bien sûr, quelques unes des plaisanteries dont les égyptiens sont si friands.

Ma  préférée est une histoire (mécréante) sur la mort de Marx :

Marx

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« Marx est mort. Il est envoyé en enfer. En très peu de temps, la population infernale est au bord de la révolution… »Non à la société de consummation ! Tous les pouvoirs aux conseils des damnés ! Non aux cadences infernales ! ». Grèves, émeutes sabotages…Un diablotin va voir le diable (pendant que les damnés chantent « C’est la lutte infernale… » et lui annonce « C’est la grève générale ! Les foyers infernaux vont s’éteindre ». Shaïtan(3) réunit alors son conseil d’administration qui décide d’envoyer clandestinement le fauteur de troubles au Paradis. Aussitôt décidé, aussitôt exécuté. Shaïtan retrouve alors calme et volupté. La douce musique des suppliciés remplace les cris discordants des émeutiers.

Au bout de quelques temps, il demande des nouvelles de l’expulsé. Il décide alors d’envoyer un agent là-bas pour savoir ce qu’est devenu le perturbateur. Les nouvelles tardant à revenir, Shaïtan, excédé, va voir par lui-même ce qui se passe au Paradis.

Arrivé à la porte du Paradis, il demande à parler à Dieu.

Les deux anges qui gardent la porte le regardent étonnés… »Dieu, qui est-ce ? »…. »

(1) rupture du jeûne

(2) série télévisée

(3) le diable en arabe

5 commentaires leave one →
  1. 24 septembre 2009 17:09

    Bonjour !
    Je suis arrivée il y a une semaine en Egypte ! Je découvre aujourd’hui votre bien sympathique blog !

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    • snony permalink*
      24 septembre 2009 17:49

      Ahlan wa sahlan. Moi je suis momentanément en France, mais je rentre la semaine prochaine. Au plaisir.

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  2. 9 septembre 2009 11:23

    eh oui, les effets du ramadan sur la rue egyptienne ! parles en moi ma belle ! mais y a des coins cachés où les égyptiens mécréants peuvent encore boire une bonne bière fraiche sans problèmes ! el hamdoulilah !

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  3. 8 septembre 2009 15:40

    et si c’etait l’occasion pour qu’on se rencontre enfin !a l’heure de l’iftar ,il y a des retau sympa dans ton quartier !

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