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Résurrections

21 avril 2009

En Égypte, à peine commence-t-on à se dire que c’est le printemps, et c’est déjà l’été. Le passage de l’équinoxe n’en est pas moins l’occasion de fêter tout ce qui est de l’ordre de la renaissance. Après la Pâque copte de dimanche dernier (قيامة en arabe, c’est à dire résurrection), le lundi suivant est traditionnellement la fête (vraiment) nationale de Cham en-Nessim, une fête datant des pharaons et qui rassemble tous les citoyens.

cham-enessim

Pique-nique en famille sur le barrage d'Asswan

A cette occasion, tous les parcs publics sont ouverts et les égyptiens sortent pique-niquer en famille. Ils dégustent un plat mythique dont la préparation a embaumé tous les souqs depuis une semaine : le fessikh, à base de poisson salé et que je traduirais volontiers par poisson pourri tellement l’odeur est peu alléchante. Le gout est ad hoc ; j’ai tenté une dégustation l’an dernier à Asswan, où cette photo a été prise. D’autres images de Cham en-Nessim sur ce blog.

Le printemps égyptien se conjugue-t-il comme parfois en France avec le printemps des luttes sociales ? Difficile à évaluer. D’abord parce qu’ici, même si les formes d’expression sont réduites par la répression, les mouvements sociaux sont incessants. C’est sans doute la grande originalité de ce pays par rapport aux autres pays arabes. Mais aussi parce que, comme en France, les mouvements sociaux manquent cruellement d’alternative…sauf à penser que l’islam en est une, comme le martèlent les affiches clandestines des « Frères » (« L’islam, c’est LA solution »).

C’est donc un (triste) symbole :  le Badyl, cet excellent quotidien indépendant si souvent cité dans les pages de ce blog (voir catégorie « dans la presse »), vient de disparaitre : al-badyl (البديل) en arabe, cela veut dire …l’alternative.  Le Badyl avait très courageusement couvert les événements de Mahalla l’an dernier, et fait éclater il y a quelques mois  le scandale du traffic d’organes prélevés sur les enfants des rues, et tout dernièrement, celui du traffic d’enfants vers l’Italie par un réseau de commerce sexuel. Autant de questions hautement taboues. C’est aussi le journal qui a publié cet automne en feuilletons le dernier roman de Sonallah Ibrahim « La loi française ». badyl

La rédaction du journal a annoncé l’arrêt de la parution au lendemain de la « non-grève » du 6 avril. Non pas par mesure de censure comme vient d’en être victime la revue Création (ابداع) à la suite de la parution d’un texte  « offensant » la religion (plus de détail sur CPA). En tout cas pas la censure explicite. Mais l’autre, celle qui frappe aussi les quotidiens en Europe : celle de l’argent. L’équipe d’une quarantaine de journalistes – dont bon nombre ont payé leur engagement par des arrestations et des séjours répétés en prison – a bien sûr accueilli la nouvelle avec tristesse (reportage en français dans l’Hebdo).

La bonne nouvelle malgré tout, c’est qu’il est question là aussi de résurrection : la rédaction envisage de lancer un hebdomadaire au mois de mai ce qui se traduira certes par une réduction de voilure pour l’équipe mais nous permettra de continuer à lire les excellentes enquêtes et analyses de ces journalistes qui savent conjuguer rigueur et engagement. La chose est assez rare pour être saluée.

* pour en savoir plus sur le paysage de la presse égyptienne, on peut lire cette page sur le site du Cedej, même si elle n’est pas tout à fait à jour.

3 commentaires leave one →
  1. 23 avril 2009 10:19

    et la censure redouble d’énergie !censure de l’album de Golo ,censure du livre d’albert cossery « mendiants et orgueilleux » ecrit il y a plus de trente ans !

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  2. YGQ permalink
    22 avril 2009 13:53

    Sans oublier « cellular » et « khalaoui » (sa traduction en arabe) très en vogue au nord de l’Egypte ! Bravo pour le blog !
    YGQ

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Trackbacks

  1. Effacement de l’histoire | SN

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