digressions
A la demande de certains lecteurs d’un certain âge, j’abandonne l’interface noire et reviens à une présentation plus classique, histoire de ménager leurs yeux. C’est qu’on rajeunit pas ma pauv dame ! j’en profite pour mettre en entête le Muqqatam, vu depuis Manshiyet Nasr, au sud du quartier sinistré de Doweiqa. Photo prise au portable depuis l’autoroute (dont je livre « le bas » ci-contre). J’ai lu récemment que Doweiqa tirait son nom d’un baltagy (bandit) Doqe qui y sévissait (sans précision de l’époque) : on est décidemment en plein drame marfouzien, lorsque les futtuwas régnaient sur ces quartiers dont la vie est suspendue, hors du temps, à un combat quotidien contre la mort.
Je viens de aussi faire un saut qualitatif dans mon installation domestique : j’ai acquis des étagères pour ranger mes bouquins qui trainaient ça et là, dans les divers buffets style Loulou Khamastâchar* décati qui encombrent mon apparte. L’objectif était de les mettre à l’abri de la poussière, ennemi numéro 1 du bibliophile au Caire, tout en les ayant à portée de main. Et c’est fou comme une petite bibli ça vous donne l’impression décisive d’habiter un endroit.
C’est le menuisier de Qasr El-Eyny qui me l’a fabriquée en moins d’une semaine (et en plein Ramadan). Il avait fait la même à un voisin et ami pour 200 guinées (25 euros) et m’avait prévenu que le prix du bois ayant augmenté, je « risquais » d’en avoir pour 220…A l’arrivée son fils Abdou me l’a livrée à domicile (après l’avoir portée sur son dos pendant 500m) samedi soir après l’Iftar (c’est à dire à 11h) tout en m’annonçant que son père avait trouvé du bois moins cher et me la faisait pour 150. Pourtant, vu l’état de l’atelier, on ne roule pas sur l’or à la maison. Le prochain qui me dit que les égyptiens sont feignants et voleurs, je l’insulte.
La pleine lune hier soir sonnait la mi-course de ce mois de Ramadan. Un mois qui met (ou tente de) la contestation sociale entre parenthèse, une sorte de trève des confiseurs locale. Pourtant les pauvres se sentent de plus en plus pauvres : la nourriture a augmenté à tel point que même nous, les nantis payés en euros, nous le ressentons dans le budget. Que dire de ceux qui gagnent quelques centaines de guinées ! Les repas d’Iftar, traditionnellement plus copieux et occasions d’inviter les amis, la famille, sont donc revus à la baisse. Quand on n’est pas tout simplement dans l’incapacité de se les payer, ce qui est le cas d’égyptiens de plus en plus nombreux, comme en témoigne le succès des Ma’idat Arrahmane (table du Miséricordieux) installées par les mosquées, les associations religieuses ou non, parfois les particuliers. On y offre le repas de rupture du jeûne à quiconque prend place sur les tabourets ou les tapis, dans la rue, sur les places, dans les quartiers. Certains prennent place plus d’une heure avant l’annonce du coucher du soleil comme ici près de Bab el Luq.
Une solidarité en acte qui tranche de plus en plus avec l’incapacité des dirigeants du pays à régler les problèmes, que ce soient ceux du logement avec le drame que vivent les milliers d’habitants de Doweiqa toujours à la rue (y compris les non sinistrés qui ont interdiction de retourner dans leur maison sans qu’aucune alternative ne leur soit proposée et qui affrontent les gourdins de la police depuis plusieurs jours), ceux de la crise alimentaire, de la hausse des prix, du chomage…Les frasques, la corruption voire les crimes des protégés de ce régime (comme l’assassinat de la chanteuse libanaise par le magnat de l’immobilier Hisham Talaat, lire ici) s’ajoutent à cela, formant un véritable cocktail explosif auquel bon nombre d’observateurs pensent qu’il ne manque que l’étincelle. (Lire l’interview de Sonnallah Ibrahim à la fête de l’Huma sur Médiapart ou l’écouter en ligne).
* traduction de Louis XV en égyptien
mais non l’égypte ne va pas exploser !j’entand ça depuis 15 ans !
les egyptiens grognent mais ne mordent pas !ils n’aiment pas le changement !
la dictature dure depuis 7000ans ,alors forçément ils se sont habitués !
un copain me disait l’autre jour « on sait ce qu’on a ,pas de surprise on fait avec .mais on ne sait pas ce qu’on aura aprés »
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